Vanessa Pierre-Louis est une créatrice de contenu Montréalaise, elle est aussi photographe. D’ailleurs elle se décrit comme La photographe qui blogue (couronnenoire.com) et je trouve que ça lui va drôlement bien. Elle prône ardemment l’acceptation de soi à travers son travail, et Vanessa est bien décidée à redéfinir les standards de beauté. C’est une femme élégante, travailleuse et créative. Nous avons travaillé ensemble à plusieurs reprises (événement Révèle Toi, lancement de la Jigeen Box) et ce fût un réel plaisir pour moi.
Elle a une sensibilité et un regard sur les choses en general assez intéressant. Il y a quelques années, elle a tenu un atelier sur l’entretien des cheveux de nos enfants noirs. Son approche m’a tout de suite charmé; mon regard sur cette fameuse session de soins des cheveux avec les enfants s’est amélioré en partie grâce à son intervention. C’est tout bête mais au fond, ca se joue avant tout dans la tête. A l’époque, je ne pouvais pas appliquer ses conseils, mais aujourd’hui je peux vous dire qu’ils me sont bien utiles. Je ne compte plus le nombre de fois où j’ai commencé à coiffer ma fille avec une idée plus ou moins complexe en tête, pour ne finir qu’avec 3 grosses couettes, ou deux. Morale de l’histoire: il faut choisir ses batailles 🙂
Vous comprendrez mieux ce dont je parle après avoir lu son interview. Voici Vanessa Pierre-Louis, sur l’entretien du cheveux noir chez l’enfant.
Une femme d’exception, pour en inspirer d’autres.
M’inclure dans ma définition de ce qu’est la beauté est le plus beau cadeau que je me suis fait.
Quels sont les trois mots qui te décrivent le mieux ?
Je suis CRÉATIVE: une qualité qui se développe, mais surtout une façon de communiquer un message sans être limité par des normes.
Je suis BELLE: (oui j’ose l’affirmer) parce que j’ai arrêté de voir ce qui me rend « différente » comme des défauts ou comme quelque chose à corriger. J’ai appris à voir ces petites choses qui me rendent unique comme des qualités. M’inclure dans ma définition de ce qu’est la beauté est le plus beau cadeau que je me suis fait.
Je suis une OVERTHINKER: Bien souvent, c’est un défaut, je l’admet! Par contre, l’envers de la médaille est que ce trait de caractère me pousse à réfléchir, à voir une situation sous différents angles et à aller au-delà des façades pour trouver le sens profond.
Parles-nous un peu de ton blogue Couronnenoire.com; ce qui t’as poussé à le créer et pourquoi Couronne noire ?
Cette question m’amène loin, ouf! J’ai lu quelque part que si on veut en apprendre sur un sujet, il nous faut être capable de l’enseigner. Ce concept n’est pas fou! Mon blogue est né suite au fait que je voulais apprendre à prendre soin de mes cheveux crépus. En cours de route, je me suis rendue compte qu’apprendre à me coiffer était une résultante de quelque chose de beaucoup plus grand. Le partage de mes recherches et expériences capillaires a pris la forme d’un blogue pour répondre à un problème dû au manque de représentation. Je ne voulais plus me sentir obligée de me conformer à un modèle de beauté supporté par des idées homogènes. C’est ainsi que j’ai décidé d’encourager un sentiment de fierté et redonner « sa couronne » à ce qui nous rend unique. Je me suis beaucoup intéressée à la signification du mot beauté. D’abord sur le plan social, en m’attardant sur les standards de beauté traditionnels; puis sur un plan plus personnel, en me questionnant sur l’impact de ces modèles de beauté par rapport à l’image que l’on se fait de nous-mêmes. 8 ans plus tard, le sujet de la beauté continue de me passionner. Redéfinir les standards de beauté, célébrer la diversité et tendre vers une société plus inclusive permet de faire de la place à qui nous sommes.
Être ouvert à voir la beauté différemment pour que notre enfant se sente accueilli dans ses goûts.
Concernant ton rapport avec tes cheveux naturels, qu’aimerais-tu transmettre à tes enfants ? Et comment ?
La grande question! D’une part, j’aimerais leur transmettre comme valeur qu’une belle chevelure est une chevelure en santé. Prioriser la santé plutôt que l’esthétique, encourage à prendre soin de soi. Par ricochet, on est moins porté à chercher la validation de sa beauté en se comparant aux autres. Une autre valeur que je souhaite leur transmettre est que la beauté est une décision. L’image que l’on a de soi commence par la façon dont on se perçoit. Au quotidien, expliquer ces 2 concepts à de jeunes enfants ne se fait pas qu’avec des mots, mais aussi avec des actions. Les exposer à différents modèles de beauté, jouer devant le miroir, les encourager à dire à voix haute des affirmations positives à leurs égards, les impliquer (dans la mesure du possible) dans leur routine capillaire (même si ça me demande de lâcher prise, parfois)… tous ces petits gestes du quotidien contribuent à une expérience positive par rapport à leur cheveux et leur image de soi.
Les enfants associent bien souvent la ¨session cheveux¨ à l’ennui et l’inconfort. Comment se déroulent ces sessions chez toi ?
Ce qui sauve les matins pressés, c’est la préparation (avoir une routine, avoir ses accessoires à portée de main) et la simplicité (coiffure préférée de l’enfant, coiffure pratico-pratique, etc).
Je vois l’importance de l’étape de la préparation, quand je cours à l’étage pour chercher une brosse à cheveux ou que je m’impatiente après le 2e élastique qui se casse en attachant l’afro puff de ma fille! Au-delà de l’objectif d’être coiffé, associer des éléments négatifs (ex.: douleurs, stress, impatience) à la coiffure, entraîne un sentiment tout aussi négatif par rapport à un élément qui touche leur apparence: la chevelure.
L’équation est simple: si mon expérience par rapport à mes cheveux est positive (ex,: compliments, plaisir, facilité, créativité), mes cheveux seront beaux à mes yeux. L’inverse (ex.: insulte, douleur, difficulté, ennui) favorisera un sentiment négatif envers ma chevelure. En tant que parent, je pense que le but n’est pas de chercher la perfection. Tendre vers un idéal où notre enfant associent sa chevelure à une expérience positive est bien plus bénéfique sur le long terme.
Quand ma routine du matin ne se passe pas comme prévu, j’évite de qualifier les cheveux d’indomptables, je prête une attention particulière aux mots que j’utilise. Par exemple, j’evite: « vient que j’arrange ta tête » ou « tes cheveux sont durs à coiffer ». Je cherche plutôt des occasions d’éducation: « j’ai oublié ton bonnet de nuit hier soir, laisse-moi réhydrater un peu tes cheveux ». Je me dis que c’est au moins un pas dans la bonne direction. Des tresses parfaitement entrelacés, des cheveux parfaitement plaqués ou des boucles parfaitement symétriques ne devraient pas être un objectif pour un enfant ni une raison de ne pas s’amuser pleinement.
Mon coeur de mère se serre quand mes enfants se questionnent, sont témoins ou vivent une injustice par rapport à leur apparence; mais ce sont des conversations nécessaires et importantes à avoir à tout âge.
Considères-tu que tes enfants ont une image positive de leur cheveux ?
Oui, quand je vois mes enfants s’amuser à se faire de nouvelles coiffures devant le miroir (même si il arrive que ces oeuvres capillaires ne quittent pas la maison, lol). Oui, quand je vois qu’ils affirment leurs goûts par rapport à leur coiffure du jour: « J’aimerais que tu me coiffes en afro aujourd’hui ». Ces petits gestes sont une preuve qu’ils s’approprient peu à peu la beauté et la versatilité de leur chevelure.
Vivant dans un contexte de minorité visible (particulièrement avec l’entrée à la petite école et le climat social actuel), l’apparence et l’identité sont des thèmes que nous abordons de plus en plus à la maison. Mon coeur de mère se serre quand mes enfants se questionnent, sont témoins ou vivent une injustice par rapport à leur apparence; mais ce sont des conversations nécessaires et importantes à avoir à tout âge.
On vit dans un environnement ou le cheveu noir attise parfois une curiosité qui peut se manifester sous forme de rejet ou moquerie. Quels sont les mots que tu utilises et les actions que tu poses pour développer et protéger l’estime de soi de tes enfants ?
C’est peut-être le confinement ou le temps en famille retrouvé… mais je me rends compte aujourd’hui qu’être parent c’est de trouver l’équilibre entre tenir la main de son enfant et le regarder courir. Je suis consciente que je ne pourrai pas les protéger de tout, mais je peux leur donner des outils. Là où nous pouvons agir en tant que parents, c’est dans les petites choses du quotidien en misant sur le plaisir et les choses ludiques pour faire passer nos messages. https://www.instagram.com/p/BxIAGtwgvB9/ . Pour les aider à prendre le pouvoir sur ce qu’ils pensent d’eux, nous les encourageons à nommer leurs forces à travers le jeu et par des affirmations positives commençant par « je suis ».
Il est important pour les parents de créer un climat où les enfants se sentent à l’aise de parler de ce qui les pousse à avoir un sentiment difficile à gérer tel que le doute, la peur ou le rejet. Cela représente un défi et un effort conscient dans sa mise en place au quotidien. Essentiellement, il s’agit d’être emphatique et de voir ce que nous partage notre enfant avec un regard d’enfant avant de juger la situation avec un regard d’adulte.
Quand ma routine du matin ne se passe pas comme prévu, j’évite de qualifier les cheveux d’indomptables, je prête une attention particulière aux mots que j’utilise.
Je parlais plus haut des enfants face aux soins des cheveux, mais les parents aussi appréhendent souvent ce fameux moment. Soit parce qu’ils anticipent la réaction des enfants, soit par crainte de ne pas savoir s’y prendre, ou les deux. Quels conseils aimerais-tu donner à ce sujet ?
Ne jamais être fermé au changement. Ça veut dire se donner la permission d’apprendre de nouvelles choses (ex.: style de coiffure, technique de soin capillaire, etc). Et ça demande aussi d’être ouvert à voir la beauté différemment pour que notre enfant se sente accueilli dans ses goûts. Apprendre à lâcher prise est la partie qui vient me chercher le plus. Mais au final, mes enfants gagneront plus à apprendre à être bien dans leur peau; c’est pourquoi je veille à ne pas leur imposer un modèle de beauté sous prétexte que je juge qu’ils devraient y aspirer.
Pour un parent qui chercherait à être mieux informé sur le traitement des cheveux crépus, bouclés et frisés, aurais-tu des sources d’information à partager ?
Nous sommes dans la meilleure période! L’information est de plus en plus accessible, les produits et accessoires de qualité le sont aussi et les services professionnels (salons, boutiques, consultation) accueillent de plus en plus les enfants. À cet effet, je tiens sur mon blogue un outil de recherche qui permet justement de découvrir des professionnels de la beauté, dont des experts en chevelure crépue pour petits et grands : Espace Beauté
Pour conclure cet interview, aurais-tu une anecdote à partager ?
La fois où ma fille, alors âgé de 4ans, a voulu « faire comme maman » en coupant elle-même ses pointes de cheveux (ce qui était dans les faits beaucoup plus que ses pointes)! Sur le coup, j’étais en panique:
– Mais comment je vais te coiffer maintenant?
– Qu’est-ce que les gens vont dire ?
Avec du recul, je comprend que c’était mes propres complexes qui me brouillaient les idées. Je jugeais la situation avec mon regard d’adulte. Après une bonne respiration et en voyant ma fille visiblement fière de sa coupe asymétrique, je me suis rappelée que ce ne sont que des cheveux. Ils poussent, tombent, changent… mais l’expérience reste, so make it count!
Comment en savoir plus sur toi ?
Je suis la photographe qui blogue, donc je partage mes expériences, pensées et rencontres inspirantes par le biais d’images et de mots sur mon site web: http://www.couronnenoire.com/
Je suis aussi sur les réseaux sous le pseudo Couronne Noire
IG: https://www.instagram.com/couronnenoire/
Fb: https://www.facebook.com/couronnenoire
Merci Vanessa !