La grossophobie racontée par la blogueuse Chrislène

Chrislène est une blogueuse Montréalaise qui aime parler de l’estime de soi. Elle prône le self-love et le self-care à travers ses publications et présente régulièrement des entreprises locales à son audience. Elle prend un grand plaisir à valoriser les entrepreneures d’ici.

Je reviens sur l’estime de soi, car c’est un sujet qui lui tient particulièrement à coeur. 

Aujourd’hui Chrislène est aussi mannequin Taille +, elle a pris conscience de sa beauté. Elle est bien dans sa peau, mais ça n’a pas toujours été le cas car elle a longtemps subi de la grossophobie. Et cela l’avait profondément affecté ; à un tel point qu’elle a failli s’ôter la vie à plusieurs reprises.

Dans cette entrevue, Chrislène nous parle de son expérience avec beaucoup de transparence.

La grossophobie est  un sujet dont il est important de parler car c’est un problème de société qui touche de nombreuses femmes (hommes et enfants aussi) de façon profonde et insidieuse.

Voici Chrislène, une femme d’exception pour en inspirer d’autres.

Photographe : B.Pierce photography

Pourrais-tu citer trois qualités qui te servent le plus dans ta vie de tous les jours ?

1- Ma détermination : pour  vivre ma vie  malgré le fait que la société me rappelle tous les jours que je ne devrais pas m’aimer, il faut beaucoup de détermination. 

2- Ma positivité : je cherche toujours les solutions aux les problèmes que je rencontre. Ma positivité m’a en quelque sorte sauvé la vie.

3- Mon sens de l’organisation : je dirais que c’est une qualité qui m’a toujours servi dans toutes les sphères de ma vie et j’en suis reconnaissante.

Qu’est-ce-que la beauté pour toi ?

Pour moi la beauté c’est éphémère, c’est un sentiment – c’est la façon dont on se sent. Je peux me sentir magnifique le matin et le midi quelque chose arrive et ça change complètement. La beauté part et vient, elle se transforme. D’ailleurs, les standards de beauté diffèrent d’un pays à l’autre, d’une culture à  l’autre, d’une génération à l’autre. Comme on dit, la beauté est dans l’œil de celui qui regarde.

 Aussi, la beauté dépasse le physique, ce sont des idées, des créations, des rêves. La beauté est dans les expériences, les réussites et mêmes dans les peines et défaites. 

À quel moment de ta vie as-tu commencé à te sentir différente des autres parce que tu es grosse ? Et quel était l’élément déclencheur ?

J’ai commencé à me sentir différente en 3 ième année du primaire, on m’a traité de baleine et ce nom m’a suivi presque tout le reste de mon primaire. J’ai vécu beaucoup d’intimidation au primaire et au secondaire. C’était très difficile sur mon estime de soi et ma confiance en soi.

 C’est pour cela que je milite pour l’acceptation de soi peu importe  l’enveloppe corporelle, car 1- celui-ci change avec ou sans notre consentement 2- s’aimer est primordial afin d’aimer les autres et d’accepter de recevoir l’amour des autres, et finalement 3- se battre envers et contre tous pour s’aimer c’est un combat qui vaut la peine d’être mené. 

Comment as-tu appris à être bien dans ta peau ? Parle nous aussi de l’impact que ton acceptation de soi a eu dans ta vie. 

J’ai fait plusieurs tentatives de suicide durant mon adolescence. Je me détestais et je ne considérais pas ma vie comme étant importante. Un jour j’ai décidé de donner à la vie une dernière chance et ça a été la meilleure décision de ma vie! 

Il faut dire qu’apprendre à s’aimer c’est assez difficile quand tout le monde y compris les médias te rappelle sans cesse que tu n’es pas adéquate. Que ton corps ne fait pas partie des standards de beauté. Je n’avais juste plus envie de vivre dans mon corps, je me suis lancée à tue tête dans toute sorte de régime. Toute mon adolescence a été une quête de minceur. Je me détestais. 

Lorsque j’ai atteint la vingtaine, j’ai pris conscience de l’importance de m’aimer, de faire attention à ma santé mentale. Et j’ai ressenti le besoin de prendre soin de ma vie, car en réalité elle vaut la peine d’être vécue. Aussi, avec l’arrivée d’Instagram j’ai commencé à voir des femmes grosses et noires qui s’assument et qui réussissent. REPRESENTATION MATTERS, car lorsque j’ai commencé à suivre des femmes qui me ressemblent, ça a réellement boosté mon estime de soi.

Il y a une sorte de tabou autour du mot GROS-SE. Les gens sont souvent mal à l’aise de l’utiliser pour décrire une personne alors que c’est un mot tout aussi correct que le mot MINCE. A ton avis, à quoi est dû cette connotation négative à laquelle on l’associe souvent ?

Accepter le mot grosse comme qualificatif approprié, c’est accepter que le mot grosse n’est pas négatif. Il est important de reprogrammer notre cerveau par rapport à ce qui est associé au mot grosse. Cela-dit, être à l’aise de se décrire soi-même comme grosse,  ça dépend de chaque personne et de son cheminement en terme d’acceptation corporelle. 

Les médias ont idéalisé le fait d’être mince et blanche,  lorsque tu déroges à ce standard c’est là que viennent les questionnements sur notre normalité; est-ce que je suis belle même si je ne suis pas mince, même si j’ai les cheveux crépus, même si je ne suis pas lightskin… même si… même si… 

Malgré le regard des gens, qui n’est pas toujours des plus bienveillants, on se doit d’apprendre à s’accepter tel qu’on est et apprécier notre unicité. Nous ne sommes pas venu sur terre pour simplement plaire physiquement. 

Les médias ont attribué plusieurs connotations négatives au fait d’être grosse : nous serions des personnes qui n’ont pas de contrôle, paresseuses, sans détermination. Alors que ces caractéristiques n’ont rien à voir avec le physique, on peut les retrouver chez des personnes minces. 

On ne parle pas assez de grossophobie, d’ailleurs beaucoup de gens en ignorent l’existence. Google est là pour la définition Larousse, mais j’aimerais que tu définisses la grossophobie en t’appuyant sur des expériences t’ayant marqué.

La grossophobie c’est la stigmatisation des personnes grosses, c’est-à-dire qu’avant même de connaître la personne étant grosse, on lui colle des préjugés. C’est présent dans les domaines scolaires où l’on ne va pas donner les mêmes opportunités d’apprentissages, même chose dans les milieux de travail où certains employeurs ne vont pas embaucher des personnes grosses en se basant sur leurs propres préjugés. Ces stéréotypes sont présents dans plusieurs domaines. 

J’ai vécu énormément de grossophobie. Il faut comprendre que l’on vit dans une société qui est grossophobe à la base. Et c’est difficile à déceler si on ne sait pas en premier lieu ce qu’est la grossophobie. 

Se voir refuser l’entrée dans un club et qu’on te dise que le club n’accepte pas les grosses en pleine face, ça c’est de la discrimination à cause de mon en bon point : grossophobie.

D’avoir à peine 3-4 magasins où pouvoir trouver des vêtements à ma taille, ça aussi c’est grossophobe. Se faire dire que je serais plus jolie si je perdais 20 livres…de me faire dire voici ce que tu devrais manger pour maigrir…et j’en passe. J’ai plusieurs autres expériences mais je n’ai pas assez d’encre pour tout élaborer. Je dirais aux personnes qui ne savent pas s’ils ont des comportements grossophobes, de se renseigner,  apprendre plus sur le sujet, parler à des personnes grosses pour connaître nos difficultés et expériences.

J’ajoute qu’en plus de la grossophobie, j’ai aussi vécu de la grossophilie : fétichisation des personnes grosse. Par exemple, de parfaits inconnus m’ont abordé dans la rue pour me dire qu’ils n’ont jamais couché avec une grosse et qu’ils aimeraient essayer avec moi. Ca c’est un gros NON. 

Qu’est-ce que tu aimes le plus en toi aujourd’hui ?

Aujourd’hui ce qui me frappe le plus en moi, c’est ma détermination à sortir de ma zone de confort, à essayer de nouvelles choses. Et  surtout le fait que j’ai beaucoup de confiance en moi malgré les embûches que la vie peut me donner. 

Qu’aimerais-tu dire aux femmes ou jeunes filles qui cherchent absolument à perdre du poids, uniquement dans le but de se sentir acceptées – aimées ?

Je leur dirais que je les comprends totalement. Nous voulons tous-tes être aimé-e, apprécié-e, respecté-e et la société d’aujourd’hui n’est pas totalement adaptée pour les personnes qui ne rentre pas dans le moule. Cependant le but de la vie ce n’est pas de fitter dans le moule mais de créer notre propre moule. 

Il n’y a rien de plus beau qu’une personne épanouie et le fait d’être bien dans sa peau est une grande source d’épanouissement.  Ca va bien au-delà du physique, l’épanouissement c’est aussi prendre le temps de se focaliser sur nos objectifs de vie, notre santé mentale et physique, nos passions…. On réalise alors  que le fait de plaire n’est pas si important. Ce qui a vraiment de l’importance c’est d’être fidèle à soi-même.

Pour finir j’aimerais vous inviter à lire des articles sur la grossophobie si vous voulez en apprendre plus sur le sujet :


Il faut changer notre regard sur les gros – L’Actualité

Fiche pédagogique – obsession de la minceur

Ce que la science nous apprend sur la grossophobie – Radio-Canada

Un autre jour, une autre chronique grossophobe – Dix Octobre

Lutter contre la grossophobie – Comment être un.e meilleur.e allié.e? – Dix Octobre

www.grossophobie.ca – Edith Bernier

Livre que je te suggère : – ANTI-DIET de Christy Harrison disponible ici

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Founder and Editor in Chief

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